Les signataires de ce texte sont Karel Mayrand, Luc Bouthillier, Alain Fréchette, Corinne Gendron, Paule Halley, Manon Laporte, Laurent Lepage et Michel Montpetit
Le Québec s’est bâti sur la traite des fourrures, l’agriculture et le bois. Les Québécois sont fiers de leur passé de coureurs de bois, de défricheurs, de bûcherons et de draveurs. Encore au début du vingtième siècle, on les invitait à défricher les terres du Nord. Puis, à la faveur de notre industrialisation, le secteur minier et l’hydro-électricité se sont ajoutés. De tous temps, le Québec comme le Canada, ont été perçus comme des réservoirs infinis de ressources et notre croissance s’est appuyée sur l’exportation de matières premières dans un système de laisser-faire économique. Qui a oublié le fer que Duplessis vendait à un cent la tonne aux États-Unis !
Dans le débat actuel touchant le renouvellement de la social-démocratie dans un contexte de crise économique et environnementale sévère, il faut relever que le mouvement syndical est, depuis les débuts, partie prenante de la lutte contre les changements climatiques et, de manière plus générale, pour le passage à une économie plus soutenable. La Confédération syndicale internationale (CSI) a pris le leadership dans ce domaine.
L’auteur invité est Gerassimos Moschonas, professeur en analyse politique comparée au Département de Science politique et d’Histoire de l’Université Panteion (Athènes) et à l’Institut d’études européennes de Bruxelles (ULB), interviewé par Michel Vakaloulis
— La victoire simultanée de la social-démocratie européenne dans la deuxième moitié des années 1990 a donné l’impression d’une forte résurgence de sa dynamique électorale. Mais dans la décennie suivante, la crise de la stabilité électorale des partis sociaux-démocrates semble s’intensifier et s’approfondir. Qu’en est-il exactement ?
Compass est un groupe de pression politique de la gauche démocratique du Royaume-Uni. Il regroupe une trentaine de milliers de membres. Constatant les remises en question de la social-démocratie traditionnelle en Europe, et en particulier les échecs de la "Third-way" de Tony Blair en Angleterre et de la "German Neue Mitte" de Gerhard Schroeder en Allemagne, le groupe définit dans le texte qui suit les grandes voies de la construction d’une « bonne société », ou dit autrement, du renouvellement de la social-démocratie en Europe.
L’auteur invité est Jacques Julliard, historien et collaborateur au Nouvel Observateur
C’est tout de même un formidable paradoxe. Tandis que les socialistes sont en recul un peu partout en Europe et à travers le monde, l’idée sociale-démocrate, elle, ne cesse de progresser et de faire des conversions. Parmi les dernières, excusez du peu : Sarkozy, Obama, Benoît XVI ! Je parle ici des discours, car pour les actes c’est souvent une autre affaire.
Dans le contexte actuel, où il est nécessaire de procéder à une « Grande transformation » du mode de régulation de la vie économique, pour accéder à un développement plus soutenable, un des passages obligés de questionnement est celui des institutions et de la pluralité des arrangements institutionnels au sein des sociétés. La conflictualité des rapports sociaux au sein des sociétés et des activités économiques exige des règles reconnues par les diverses parties, sans quoi les acteurs se retrouveraient dans des luttes sans fin. Ces règles et institutions dans une société peuvent prendre diverses formes dont l’architecture peut être remise en cause par une grande crise, comme celle que nous avons connue à partir des années 1970 ou celle qui s’est récemment ouverte avec la crise financière mondiale.
L’auteur invité est Michel Rocard, premier ministre de France de 1988 à 1991, sous la présidence de François Mitterrand, et député au Parlement européen, membre du groupe parlementaire du Parti socialiste européen, de 1994 à 2009, interviewé par Dominique Nora, du Nouvel Observateur
Le Nouvel Observateur. - Sommes-nous sortis de la crise ?
Michel Rocard. - Vous plaisantez ! Il va nous falloir encore quelques convulsions pour tirer pleinement les conséquences de ce que nous vivons. Le modèle capitaliste a connu une révolution profonde depuis trente ans. Et c’est cela qui est remis en cause. On ne reviendra pas en arrière. Après la guerre, trois grands stabilisateurs sont mis en place. La Sécurité sociale : un tiers des revenus des ménages (l/5e aux Etats-Unis) passe par les transferts sociaux ; dès lors, les crises ne sont plus tragiques, personne ne meurt de faim, Steinbeck n’écrit plus « les Raisins de la colère ». Deuxième stabilisateur : l’intervention économique de l’Etat. C’est Keynes. Les gouvernements utilisent leurs pouvoirs monétaires et budgétaires pour corriger des oscillations du système. Enfin, la politique salariale. C’est Henry Ford : « Je paie mes salariés pour qu’ils achètent mes voitures. » La forte distribution de pouvoir d’achat aux ménages soutient leur consommation et alimente leur épargne qui finance l’investissement.
Notre démarche qui se fait sous le thème du renouvellement de la social-démocratie n’est évidemment pas un phénomène uniquement québécois. Dans plusieurs pays européens de tradition social-démocrate, les gains sociaux et économiques ont été considérables dans les trois décennies d’après-guerre. Depuis une vingtaine d’années, avec la mondialisation, la généralisation des politiques ultralibérales et divers facteurs que nous avons analysés dans d’autres textes, la social-démocratie est remise en question.
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Je remercie Robert Laplante pour cette invitation qui m’honore, sans doute un peu trop, et je vous remercie d’avance pour votre tolérance à l’égard de la fonction qui m’est confiée et dont je vais tenter de m’acquitter sans détour, dans l’espoir d’être utile.
Je dois cependant vous avisez, par honnêteté, que je n’ai pas tout parié sur votre gentillesse et que, mesure exceptionnelle, j’ai demandé à mon fils d’être présent au cas où je tomberais sur la tête en étant jeté à la rue.
Prudence supplémentaire, où je m’engage cependant en toute honnêteté, je veux commencer par féliciter les auteurs du document.
J’ai voulu souligner dans mon intervention que la principale orientation du projet de chantier touchait à l’institutionnalisation du secteur de « l’économie solidaire » à titre de grand partenaire du « parlementarisme social » où se dessinent les compromis politiques. Le projet évoque avec de compréhensibles sympathies la batterie de mobilisations économiques de la société civile qui ont été rendues possibles par des accords au sommet sous les gouvernements Parizeau, Bouchard et Landry et il indique aussi que cette mini période de réchauffement de la social-démocratie s’est même poursuivie, en dépit des apparences mais un sens plus large et plus classique, sous le gouvernement libéral qui a suivi. J’ai souligné que cette histoire récente des mesures sociales au Québec était en tous points conforme au Third way de Tony Blair, qu’elle lui était à peu près contemporaine et qu’elle s’accompagnait des mêmes mesures d’assainissement et de retrait de l’État au profit de « la prise en charge des milieux par eux-mêmes ».
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La réflexion sur le renouvellement de la social-démocratie sera portée dans le cadre d’une aventure intellectuelle originale. Un consortium de recherche va se concerter pour conduire durant toute l’année des travaux qui prendront en charge l’un ou l’autre des grands questionnement soulevés par le texte de référence lancé par Benoît Lévesque, Michel Doré, Marilyse Lapierre et Yves Vaillancourt. Co-responsables, sous la coordination de l’Institut de recherche en économie contemporaine (Robert Laplante), de la mise en œuvre d’une programmation de travail qui fera une large place aux échanges et aux débats entre chercheurs et acteurs de la société civile, les membres et participants de ce consortium de recherche seront appelés à faire paraître sur le site Internet des textes faisant état de l’avancement de la réflexion. Divers événements vont ponctuer le parcours qui devrait déboucher sur un grand rendez-vous public à l’automne 2010. Le consortium est formé des membres suivants : le CÉRIUM (Pascale Dufour), la Chaire du Canada Mondialisation, citoyenneté et démocratie (Joseph-Yvon Thériault, titulaire), l’Observatoire de l’Administration publique ( Louis Côté, directeur), les Éditions Vie Économique (Gilles Bourque, coordonnateur) et de deux équipes de partenaires, dont l’une réunie autour de Denise Proulx, de GaïaPresse, et Lucie Sauvé, de la Chaire de recherche du Canada en éducation relative en environnement, et l’autre rassemblée autour de Christian Jetté de l’Université de Montréal et Lucie Dumais de l’UQAM.
L’importance, pour ne pas dire l’urgence d’organiser la réflexion collective sur l’état de notre démocratie et l’avenir de notre société devrait nous interpeller puissamment. Il se présente en effet des moments qu’il faut saisir dans l’histoire des peuples quand les vieux modèles, épuisés, atteignent leurs limites et conduisent à de nouvelles impasses. Le Québec est rendu à l’un de ses moments.